Pape François | Voeux à la Curie romaine
DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS 
Salle Clémentine
Vendredi 21 décembre 2018
Vendredi 21 décembre 2018
« La nuit est bientôt finie, le jour est tout proche. Rejetons les œuvres des ténèbres, revêtons-nous des armes de la lumière » (Rm 13, 12)
Chers frères et sœurs,
enveloppés de la joie et de l’espérance qui resplendissent du visage 
du divin Enfant, nous nous rencontrons cette année encore pour l’échange
 des vœux de Noël en portant dans le cœur toutes les peines et les joies
 du monde et de l’Eglise.
Je vous souhaite de tout cœur un saint Noël, ainsi qu’à vos 
collaborateurs, à toutes les personnes qui assurent un service à la 
Curie, aux Représentants pontificaux et aux collaborateurs des 
Nonciatures. Et je désire vous remercier pour votre dévouement quotidien
 au service du Saint-Siège, de l’Eglise et du Successeur de Pierre. 
Merci beaucoup !
Permettez-moi aussi de souhaiter une chaleureuse bienvenue au nouveau
 Substitut de la Secrétairerie d’Etat, S.E. Mons. Edgar Peña Parra, qui a
 commencé son délicat et important service le 15 octobre dernier. Son 
origine vénézuélienne reflète la catholicité de l’Eglise et la nécessité
 d’ouvrir toujours davantage les horizons jusqu’aux extrémités de la 
terre. Bienvenue, chère Excellence et bon travail !
Noël est la fête qui nous remplit de joie et qui nous donne la 
certitude qu’aucun péché ne sera jamais plus grand que la miséricorde de
 Dieu, et qu’aucun acte humain ne pourra jamais empêcher l’aube de la lumière divine de naître et de renaître dans les cœurs des hommes. C’est la fête qui nous invite à renouveler l’engagement évangélique d’annoncer le Christ, Sauveur du monde et lumière de l’univers. Si, en effet, « le Christ, “saint, innocent, sans tache” (He 7, 26) ignore le péché (cf. 2Co 5, 21), venant seulement expier les péchés du peuple (cf. He
 2, 17), l’Église, qui comprend en son sein des pécheurs, et donc est à 
la fois sainte et immaculée et toujours appelée à se purifier, avance 
continuellement sur le chemin de la pénitence et du renouvellement. 
L’Église « avance dans son pèlerinage à travers les persécutions du 
monde et les consolations de Dieu – parmi les persécutions de la part de
 l’esprit du monde et les consolations de l’Esprit de Dieu –, annonçant 
la croix et la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne (cf. 1 Co 11,
 26). La vertu du Seigneur ressuscité est sa force pour lui permettre de
 vaincre dans la patience et la charité les afflictions et les 
difficultés qui lui viennent à la fois du dehors et du dedans, et de 
révéler fidèlement au milieu du monde le mystère du Seigneur, encore 
enveloppé d’ombre, jusqu’au jour où, finalement, il éclatera dans la 
pleine lumière » (Conc. œcum. Vat. II, Const.dogm.  Lumen gentium, n. 8).
Prenant donc appui sur la ferme conviction que la lumière est 
toujours plus forte que les ténèbres, je voudrais réfléchir avec vous 
sur la lumière qui relie Noël – c’est-à-dire la première venue dans 
l’humilité – à la Parousie – la seconde venue dans la gloire – et nous 
confirme dans l’espérance qui ne déçoit jamais. Cette espérance dont 
dépend la vie de chacun de nous et toute l’histoire de l’Eglise et du 
monde. Une Église sans espérance serait laide !
Jésus, en réalité, naît dans une situation sociopolitique et 
religieuse pleine de tensions, d’agitations et d’obscurité. Sa 
naissance, attendue d’un côté et refusée de l’autre, récapitule la logique divine qui ne s’arrête pas devant le mal, mais le transforme au contraire radicalement et progressivement en bien, et également la logique démoniaque qui transforme même le bien en mal, pour conduire l’humanité à rester dans le désespoir et dans les ténèbres : « La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée » (Jn 1, 5).
Mais, chaque année, Noël nous rappelle que le salut de Dieu, donné 
gratuitement à toute l’humanité, à l’Eglise, et à nous en particulier, 
personnes consacrées, n’agit pas sans notre volonté, sans notre 
coopération, sans notre liberté, sans notre effort quotidien. Le salut 
est un don, c’est vrai, mais un don qui doit être accueilli, gardé et 
qu’il faut faire fructifier (cf. Mt 25, 14-30). Le fait d’être 
chrétien en général, et pour nous en particulier, le fait d’être des 
oints, des consacrés du Seigneur, ne veut pas dire nous comporter comme 
un cercle de privilégiés qui croient avoir Dieu dans la poche, mais 
comme des personnes qui savent qu’elles sont aimées par le Seigneur bien
 que pécheresses et indignes. Les personnes consacrées, en effet, ne 
sont rien d’autre que des serviteurs dans la vigne du Seigneur qui 
doivent donner, en temps voulu, la récolte et le produit de la vigne 
(cf. Mt 20, 1-16).
La Bible et l’histoire de l’Eglise nous donnent la démonstration que,
 souvent, même les élus, chemin faisant, commencent à penser, à croire 
et à se comporter comme les maîtres du salut et non comme des 
bénéficiaires, comme des contrôleurs des mystères de Dieu et non comme 
d’humbles distributeurs, comme des douaniers de Dieu, et non comme des 
serviteurs du troupeau qui leur est confié. 
Souvent – par zèle excessif et mal orienté – au lieu de suivre Dieu 
on se met devant lui, comme Pierre qui a critiqué le Maître et a mérité 
le reproche le plus dur que le Christ n’ait jamais adressé à une 
personne : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes » (Mc 8, 33). 
Chers frères et sœurs, 
Dans le monde agité, cette année la barque de l’Eglise a connu et 
connaît des moments difficiles, et elle a été assaillie par les tempêtes
 et les ouragans. Beaucoup en sont venus à demander au Maître, qui 
semblait dormir : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? » (Mc,
 4, 38). D’autres, impressionnés par les nouvelles, ont commencé à 
perdre confiance en elle et à l’abandonner ; d’autres, par peur, par 
intérêt, avec des arrières pensées, ont cherché à meurtrir son corps 
augmentant ses blessures ; d’autres ne cachent pas leur satisfaction de 
la voir ébranlée ; mais très nombreux sont ceux qui continuent à 
s’accrocher avec la certitude que « la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle » (Mt 16, 18).
Pendant ce temps, l’Epouse du Christ continue son pèlerinage au milieu des joies et des peines, des succès et des difficultés, à l’extérieur comme à l’intérieur. Certainement les difficultés de l’intérieur restent toujours les plus douloureuses et les plus plus destructrices.
Les peines
Les peines sont nombreuses. Que de migrants – contraints 
d’abandonner leur patrie et de risquer leur vie – trouvent la mort, ou 
que de migrants survivent mais trouvent les portes closes et leurs 
frères en humanité occupés aux conquêtes politiques et de pouvoir. Que 
de peur et de préjudice ! Que de personnes et que d’enfants meurent 
chaque jour par manque d’eau, de nourriture et de médicaments ! Que de 
pauvreté et de misère ! Que de violence contre les faibles et contre les
 femmes ! Que de scènes de guerres déclarées et non déclarées ! Que de 
sang innocent est versé chaque jour ! Que d’inhumanité et de brutalité 
nous entourent de toute part ! Que de personnes sont systématiquement 
torturées, encore aujourd’hui, dans les postes de police, dans les 
prisons et dans les camps de réfugiés en divers parties du monde.
En réalité, nous vivons aussi une nouvelle époque de martyrs. 
La cruelle et atroce persécution de l’empire romain semble ne pas 
connaître de fin. De nouveaux Néron naissent sans cesse pour opprimer 
les croyants, uniquement en raison de leur foi au Christ. De nouveaux 
groupes extrémistes se multiplient prenant pour cible les églises, les 
lieux de culte, les ministres et les simples fidèles. De nouveaux et 
anciens cercles et cliques vivent en se nourrissant de haine et 
d’hostilité envers le Christ, l’Eglise et les croyants. Que de chrétiens
 vivent encore aujourd’hui sous le poids de la persécution, de la 
marginalisation, de la discrimination et de l’injustice en tant de 
parties du monde ! Ils continuent, cependant, courageusement, à 
embrasser la mort pour ne pas nier le Christ. Combien il est difficile, 
encore aujourd’hui, de vivre librement sa foi en tant de parties du 
monde où manquent la liberté religieuse et la liberté de conscience !
Par ailleurs, l’exemple héroïque des martyrs et des très nombreux bons samaritains,
 c’est-à-dire des jeunes, des familles, des mouvements caritatifs et de 
volontaires, et de tant de fidèles et de personnes consacrées ne nous 
fait pas oublier cependant le contre témoignage et les scandales de 
certains enfants et ministres de l’Eglise.
Je me limite ici seulement aux deux fléaux des abus et de l’infidélité.
L’Eglise, depuis plusieurs années, œuvre sérieusement pour déraciner le mal des abus
 qui crie vengeance au Seigneur, au Dieu qui n’oublie pas la souffrance 
vécue par de nombreux mineurs à cause de clercs et de personnes 
consacrées : abus de pouvoir, de conscience et sexuels.
En pensant à ce sujet douloureux, m’est venue à l’esprit la figure du roi David – un « oint du Seigneur » (cf. 1Sm 16, 13 – 2Sm 11-12). Lui, dont la descendance a engendré l’Enfant divin –
 appelé aussi “fils de David” –, bien qu’il fût l’élu, le roi et l’oint 
du Seigneur, a commis un triple péché, c’est à dire en même temps trois 
graves abus : abus sexuel, de pouvoir et de conscience. Trois abus 
distincts, mais qui convergent et se superposent.
L’histoire commence, comme nous le savons, quand le roi, bien 
qu’expert militaire, reste chez lui à ne rien faire au lieu d’aller à la
 bataille avec le peuple de Dieu. David profite, pour son confort et 
pour son intérêt, du fait d’être roi (abus de pouvoir). L’oint 
s’abandonnant à la facilité, commence son irrésistible régression morale
 et de conscience. Et c’est justement dans ce contexte que, de la 
terrasse du palais, il voit Bethsabée, la femme d’Urie le Hittite, alors
 qu’elle prend son bain, et qu’il se sent attiré par elle (cf.  2Sm 11).
 Il la fait appeler et s’unit à elle (autre abus de pouvoir, plus un 
abus sexuel). Il abuse ainsi d’une femme mariée et seule et, pour 
couvrir son péché, il rappelle Urie à la maison, et cherche en vain à le
 convaincre à passer la nuit avec sa femme. Et ensuite il ordonne au 
chef de l’armée d’exposer Urie à une mort certaine dans la bataille 
(autre abus de pouvoir, plus un abus de conscience). La chaîne du péché 
grandit comme une tache d’huile et devient rapidement un réseau de 
corruption. Lui, il est resté à la maison à paresser.
A partir des étincelles de la paresse et de la luxure, et du fait de “baisser la garde”,
 l’enchaînement diabolique des péchés graves commence : adultère, 
mensonge et homicide. Prétendant, étant roi, pouvoir tout faire et tout 
obtenir, David cherche à tromper aussi le mari de Bethsabée, les gens, 
lui-même et même Dieu. Le roi néglige sa relation avec Dieu, il 
transgresse les commandements divins, il porte atteinte à sa propre 
intégrité morale sans même se sentir en faute. L’oint continue à exercer sa mission comme si de rien n’était.
 La seule chose qui lui importait était de sauvegarder son image et son 
apparence. « Parce que ceux qui ont le sentiment qu’ils ne commettent 
pas de fautes graves contre la Loi de Dieu peuvent tomber dans une sorte
 d’étourdissement ou de torpeur. Comme ils ne trouvent rien de grave à 
se reprocher, ils ne perçoivent pas cette tiédeur qui peu à peu s’empare
 de leur vie spirituelle et ils finissent par se débiliter et se 
corrompre » (Exhort. ap.  Gaudete et exsultate, n. 164). De pécheurs ils finissent par devenir corrompus.
Aujourd’hui aussi, il y a beaucoup d’“oints du Seigneur”, hommes 
consacrés, qui abusent des faibles en profitant de leur pouvoir moral et
 de persuasion. Ils commettent des abominations et continuent à exercer 
leur ministère comme si de rien n’était ; ils ne craignent pas Dieu ni 
son jugement mais craignent seulement d’être découverts et démasqués. 
Ministres qui lacèrent le corps de l’Eglise, causant des scandales et 
discréditant la mission salvifique de l’Eglise et les sacrifices de tant
 de leurs confrères.
Aujourd’hui aussi, chers frères et sœurs, beaucoup de David, sans un 
battement de paupière, entrent dans le réseau de corruption, trahissent 
Dieu, ses commandements, leur propre vocation, l’Eglise, le peuple de 
Dieu et la confiance des petits et de leurs proches. Souvent, derrière 
leur gentillesse démesurée, leur travail impeccable, leur visage 
angélique, ils cachent sans vergogne un loup terrible prêt à dévorer les
 âmes innocentes.
Les péchés et les crimes des personnes consacrées se colorent de 
teintes encore plus sombres d’infidélité, de honte, et ils déforment le 
visage de l’Eglise en minant sa crédibilité. En effet, l’Eglise, ainsi 
que ses enfants fidèles, est aussi victime de ces infidélités et de ces 
véritables “délits de détournement”.
Chers frères et sœurs,
Il doit être clair que face à ces abominations l’Eglise ne se 
ménagera pas pour faire tout ce qui est nécessaire afin de livrer à la 
justice quiconque aura commis de tels délits. L’Eglise ne 
cherchera jamais à étouffer ou à sous-estimer aucun cas. Il est 
indéniable que certains responsables, par le passé, par légèreté, par 
incrédulité, par impréparation, par inexpérience – nous devons juger le 
passé avec l’herméneutique du passé - ou par superficialité spirituelle 
et humaine, ont traité de nombreux cas sans le sérieux et la rapidité 
requis. Cela ne doit plus jamais se produire. C’est le choix et la 
décision de toute l’Eglise.
En février prochain l’Eglise rappellera sa ferme volonté de 
persévérer, de toutes ses forces, sur la route de la purification. 
L’Eglise s’interrogera, en recourant aussi à des experts, sur comment 
protéger les enfants, comment éviter de telles catastrophes, comment 
soigner et réintégrer les victimes, comment renforcer la formation dans 
les séminaires. On cherchera à transformer les erreurs commises en 
opportunité pour éliminer ce fléau non seulement du corps de l’Eglise 
mais aussi de la société. En effet, si cette très grave calamité est 
parvenue à toucher certains ministres consacrés, on se demande dans 
quelle mesure elle est profonde dans nos sociétés et dans nos familles ?
 L’Eglise ne se limitera donc pas à se soigner mais cherchera à 
affronter ce mal qui cause la mort lente de tant de personnes au niveau 
moral, psychologique et humain.
Chers frères et sœurs,
en parlant de cette plaie, d’aucuns, dans l’Église, s’acharnent contre certains professionnels de la communication,
 en les accusant d’ignorer la majeure partie des cas d’abus qui ne sont 
pas commis par des membres du clergé de l’Église – les statistiques 
parlent de 95% -, et en les accusant de vouloir en donner exprès une 
fausse image, comme si ce mal ne touchait que l’Église catholique. Je 
voudrais plutôt remercier vivement les professionnels des  media 
qui ont été honnêtes et objectifs et qui ont cherché à démasquer ces 
loups et à donner la parole aux victimes. Même s’il s’agissait d’un seul
 cas d’abus – qui représente déjà en soi une monstruosité – l’Église 
demanderait de ne pas le taire et de le porter objectivement à la 
lumière, car le plus grand scandale en cette matière, c’est de couvrir 
la vérité.
Souvenons-nous tous que c’est grâce à la rencontre avec le prophète 
Nathan que David comprend la gravité de son péché. Nous avons besoin 
aujourd’hui de nouveaux Nathan qui aident les nombreux David à se 
réveiller d’une vie hypocrite et perverse. S’il vous plaît, aidons la 
Sainte Mère Église dans sa tâche difficile, à savoir celle de 
reconnaître les cas vrais, en les distinguant des faux, les accusations 
des calomnies, les rancœurs des insinuations, les rumeurs des 
diffamations. C’est une tâche assez difficile dans la mesure où les 
vrais coupables savent se cacher soigneusement au point que beaucoup de 
femmes, de mères et de sœurs n’arrivent pas à les découvrir chez les 
personnes les plus proches : maris, parrains, grands-parents, oncles, 
frères, voisins, enseignants… Même les victimes, bien choisies par leurs
 prédateurs, préfèrent souvent le silence et même, en proie à la peur, 
sont subjugués par la honte et par la terreur d’être abandonnées.
Et à ceux qui abusent des mineurs, je voudrais dire : 
convertissez-vous et remettez-vous à la justice humaine et préparez-vous
 à la justice divine, vous souvenant des paroles du Christ : « Celui 
qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits 
qui croient en moi, il est préférable pour lui qu’on lui accroche au cou
 une de ces meules que tournent les ânes, et qu’il soit englouti en une 
pleine mer. Malheureux le monde à cause des scandales ! Il est 
inévitable qu’arrivent les scandales : cependant, malheureux celui par 
qui le scandale arrive » (Mt 18, 6-7).
Chers frères et sœurs,
à présent, permettez-moi de parler aussi d’une autre affliction, à savoir celle de l’infidélité
 de ceux qui trahissent leur vocation, leur serment, leur mission leur 
consécration à Dieu et à l’Église ; ceux qui se cachent derrière de 
bonnes intentions pour poignarder leurs frères et semer l’ivraie, la 
division et le désarroi ; des personnes qui trouvent toujours des 
justifications, même logiques, voire spirituelles, pour continuer à 
parcourir en toute tranquillité la route de la perdition.
Et ce n’est pas une nouveauté dans l’histoire de l’Église, saint Augustin, en parlant du bon grain et de l’ivraie, affirme : « Croyez-vous,
 mes frères, que l'ivraie ne s'élève pas jusqu'au niveau des évêques ? 
Croyez-vous qu'il n'y en ait qu'en bas et point en haut ? Plaise à Dieu 
que nous n'en soyons pas nous-même ! […] Il y a dans les rangs des 
évêques du froment et de l'ivraie, du froment aussi et de l'ivraie parmi
 le peuple » (Sermo 73, 4 : PL 38, 472).
Ces paroles de saint Augustin nous exhortent à nous rappeler le proverbe : « le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions » ; et elles nous aident à comprendre que le Tentateur, le Grand Accusateur, c’est celui qui divise, sème la discorde, insinue l’inimitié et persuade les enfants, les conduisant à douter.
En réalité, en réalité derrière ces semeurs de zizanie se trouvent 
presque toujours les trente pièces d’argent. Voici donc que la figure de
 David nous conduit à celle de Judas Iscariote, un autre élu du Seigneur
 qui vend et livre à la mort son maître. David pécheur et Judas 
Iscariote seront toujours présents dans l’Église, dans la mesure où ils 
représentent la faiblesse, qui fait partie de notre condition humaine. 
Ils sont des icônes des péchés et des crimes commis par des personnes 
élues et consacrées. Unis dans la gravité du péché, ils se distinguent 
toutefois dans la conversion. David s’est repenti en se confiant à la 
miséricorde de Dieu, tandis que Judas s’est suicidé.
Donc, nous tous – pour faire resplendir la lumière du Christ – nous devons combattre toute corruption spirituelle,
 qui « est pire que la chute d’un pécheur, car il s’agit d’un 
aveuglement confortable et autosuffisant où tout finit par sembler 
licite : la tromperie, la calomnie, l’égoïsme et d’autres formes 
subtiles d’autoréférentialité, puisque « Satan lui-même se déguise en ange de lumière » (2Co 11, 14). C’est ainsi que Salomon a fini ses jours, alors que le grand pécheur David sut se relever de sa misère » (Exhort. ap.  Gaudete et exultate, n. 165).
Les joies
Passons aux joies ! Elles ont été nombreuses cette année, par 
exemple, la bonne réussite du Synode consacré aux jeunes, dont parlait 
le Cardinal Doyen. Les progrès accomplis jusqu’ici dans la réforme de la
 Curie. Beaucoup se demandent : quand finira-t-elle ? Elle ne finira 
jamais, mais les progrès sont appréciables. Par exemple, les travaux 
d’éclaircissement et de transparence dans l’économie ; les efforts 
louables accomplis par le Bureau du Réviseur général et par l’Autorité 
d’Information Financière ; les bons résultats atteints par l’Institut 
des Œuvres de Religion ; la nouvelle Loi de l’État de la Cité du Vatican
 ; le Décret sur le travail au Vatican, et tant d’autres réalisations 
moins visibles. Souvenons-nous, parmi les joies, des nouveaux 
Bienheureux et Saints qui sont les ‘‘pierres précieuses’’ qui 
ornent le visage de l’Église et diffusent dans le monde l’espérance, la 
foi et la lumière. Il faut mentionner ici les dix-neuf martyrs d’Algérie
 : « Dix-neuf vies données pour le Christ, son Évangile et pour le 
peuple algérien… des modèles de sainteté ordinaire, la sainteté ‘‘de la 
porte d’à côté’’ » (Thomas Georgeon, L’Osservatore Romano, 
édition française, 27 novembre 2018, p. 8) ; le nombre élevé de fidèles 
qui chaque année, en recevant le baptême, renouvellent la jeunesse de 
l’Église, en tant que mère toujours féconde, et les très nombreux 
enfants qui reviennent à la maison et embrassent de nouveau la foi et la
 vie chrétienne ; les familles et les parents qui vivent sérieusement la
 foi et la transmettent chaque jour à leurs propres enfants à travers la
 joie de leur amour (cf. Exhort. ap. post-syn.  Amoris Laetitia, nn. 259-290) ; le témoignage de nombreux jeunes qui choisissent courageusement la vie consacrée et le sacerdoce.
Un vrai motif de joie, c’est aussi le grand nombre de consacrés et de
 consacrées, d’évêques et de prêtres, qui vivent quotidiennement leur 
vocation dans la fidélité, dans le silence, dans la sainteté et dans 
l’abnégation. Ce sont des personnes qui éclairent les ténèbres de 
l’humanité, par leur témoignage de foi, d’amour et de charité. Des 
personnes qui travaillent patiemment, par amour du Christ et de son 
Évangile, en faveur des pauvres, des opprimés et des derniers, sans 
chercher à faire la une des journaux ou à occuper les premières places. 
Des personnes qui, en laissant tout et en offrant leur vie, portent la 
lumière de la foi là où le Christ est abandonné, a soif, a faim, est 
prisonnier et nu (cf. Mt 25, 31-46). Et je pense en particulier 
aux nombreux curés qui donnent chaque jour le bon exemple au peuple de 
Dieu, aux prêtres proches des familles, qui connaissent le nom de tous 
et vivent leur vie en toute simplicité, dans la foi, avec zèle, dans la 
sainteté et la charité. Des personnes oubliées par les mass media mais sans lesquelles règneraient les ténèbres.
Chers frères et sœurs,
en parlant de la lumière, des peines, de David et de Judas, j’ai 
voulu mettre en exergue la valeur de la prise de conscience, qu’on doit 
transformer en un devoir de vigilance et de veille de la part de ceux 
qui, dans les structures de la vie ecclésiastique et consacrée, exercent
 le service de gouvernement. En réalité, la force d’une institution, 
quelle qu’elle soit, ne réside pas dans le fait qu’elle est composée 
d’hommes parfaits (c’est impossible) mais dans sa volonté de se purifier
 continuellement ; dans sa capacité à reconnaître humblement ses erreurs
 et à les corriger ; dans sa capacité à se relever des chutes, à voir la
 lumière de Noël provenant de la mangeoire de Bethléem, qui traverse 
l’histoire et arrive jusqu’à la Parousie.
Il faut donc ouvrir notre cœur à la vraie lumière, Jésus Christ : la 
lumière qui peut éclairer la vie et transformer nos ténèbres en lumière ;
 la lumière du bien qui l’emporte sur le mal ; la lumière de l’amour qui
 surmonte la haine ; la lumière de la vie qui défait la mort ; la 
lumière divine qui transforme tout et tous en lumière ; la lumière de 
notre Dieu : pauvre et riche, miséricordieux et juste, présent et caché,
 petit et grand.
Souvenons-nous des belles paroles de saint Macaire le Grand, père du désert égyptien du 4ème siècle, qui en parlant de Noël affirme : « Dieu
 s’est fait petit ! L’inaccessible et l’incréé, dans sa bonté infinie et
 inimaginable, a pris un corps et s’est fait petit. Dans sa bonté, il 
est descendu de sa gloire. Personne, dans les cieux et sur la terre ne 
peut comprendre la grandeur de Dieu et personne, dans les cieux et sur 
la terre ne peut comprendre comment Dieu se fait pauvre et petit pour 
les pauvres et les petits. Comme est incompréhensible sa grandeur, de 
même l’est aussi sa petitesse » (cf. Homélie IV, 9-10 ; XXXII, 7 in : Spirito e fuoco. Omelie spirituali. Collezione II, Qiqajon-Bose, Magnano 1995, pp. 88-89.332-333).
Rappelons-nous que Noël est la fête du Dieu grand qui s’est fait 
petit et qui dans sa petitesse ne cesse pas d’être grand. Et dans cette 
dialectique, grand est petit : c’est la tendresse de Dieu. Ce mot que 
l’esprit du monde cherche toujours à éliminer du dictionnaire : 
tendresse. Le Dieu grand qui se fait petit, qui est grand et continue à 
se faire petit » (cf. Homélie à Sainte Marthe, 14 décembre 2017 ; cf.  Homélie à Sainte Marthe, 25 avril 2013).
Noël nous offre chaque année la certitude que la lumière de Dieu 
continuera à briller malgré notre misère humaine ; la certitude que 
l’Église sortira de ces tribulations, encore plus belle et purifiée et 
splendide. Car, tous les péchés, les chutes et le mal commis par 
certains enfants de l’’Eglise ne pourront jamais altérer la beauté de 
son visage ; bien au contraire, ils donnent même la preuve certaine que 
sa force ne réside pas en nous mais se trouve surtout dans le Christ Jésus, Sauveur du monde et Lumière de l’univers,
 qui l’aime et a donné sa vie pour elle, son épouse. Noël prouve que les
 graves maux commis par certains ne pourront jamais ternir tout le bien 
que l’Église accompli gratuitement dans le monde. Noël garantit que la 
vraie force de l’Église et de notre travail quotidien, bien des fois 
caché – comme celui de la Curie, où il y des saints – réside dans 
l’Esprit Saint qui la guide et la protège à travers les siècles, en 
transformant même les péchés en occasions de pardon, les chutes en 
occasions de renouvellement, le mal en occasion de purification et de 
victoire. 
Merci beaucoup et joyeux Noël à tous !
[Bénédiction]
Cette année également je voudrais vous laisser une pensée. C’est un classique : le Précis de théologie ascétique et mystique
 de Tanquerey, dans sa récente édition réalisée par Mgr Libanori, évêque
 auxiliaire de Rome, et par le Père Forlai, père spirituel du Séminaire 
de Rome. Je crois qu’il est bon. Ne pas le lire du début jusqu’à la fin,
 mais chercher dans la table des matières cette vertu, cette attitude, 
une chose déterminée… Cela nous sera profitable, pour la conversion de 
chacun d’entre nous et pour la réforme de l’Église. C’est pour vous !
  
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