Les Echos | L'Europe et les Etats-Unis dénoncent la dérive totalitaire du Cambodge
Les Échos - Michel De GRANDI · 27 févr. 2018
Le régime de Hun Sen a multiplié ces derniers mois les décisions pour anéantir l'opposition. L'Union européenne s'offusque de cette tentation totalitaire, les États-Unis réduisent leur aide.
Hun Sen, le Premier ministre du Cambodge, n'entend pas céder facilement son siège. Au pouvoir depuis plus de trente ans, lui et sa formation, le Parti du peuple cambodgien (CPP), estiment avoir remporté haut la main (58 sièges sur 62) les élections sénatoriales de dimanche. Il n'y avait en fait aucun suspens, le scrutin s'étant déroulé en l'absence de la principale formation d'opposition qui a qualifié ce vote de « farce ».
L'opposition anéantie
Le Premier ministre a une méthode toute personnelle pour gagner les élections : il anéantit l'opposition pour retrouver de l'espace politique. En 2013, une première alerte a en effet montré un fort recul du CPP aux élections. Le parti au pouvoir a terminé au coude-à-coude avec le principal parti d'opposition. Quelques mois plus tard, les élections locales sonnent comme un nouveau coup de semonce pour le parti de Hun Sen : il enregistre cette fois un recul dans un tiers des communes qu'il contrôle. Depuis début septembre 2017, le régime a décidé de passer la vitesse supérieure en engageant une réelle épreuve de force contre ses opposants.
L'opposition interdite
Outre la fermeture du journal anglophone indépendant Cambodia daily ordonnée par le régime, la Cour suprême est venue au secours du pouvoir en interdisant, sous prétexte de fraude fiscale, toute activité politique, pour une durée de cinq ans, au principal parti d'opposition, le Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP). Mardi, ce dernier a mis son QG en vente pour payer l'amende. Quant au Parti du peuple cambodgien (CPP), il contrôle désormais plus de 95 % des conseils municipaux.
Faute d'enjeu réel, ces élections sénatoriales, vues comme un prélude aux législatives de juillet 2018, n'ont guère passionné les Cambodgiens qui considèrent par ailleurs cette assemblée comme une chambre d'enregistrement sans pouvoir.
Sanctions européennes
Le durcissement du régime n'est pas du goût des Européens qui, comme les Etats-Unis, ont suspendu leur assistance à l'organisation des prochaines législatives. L'Union européenne a en outre menacé, lundi, d'imposer des sanctions économiques au Cambodge. Il s'agirait alors de « mesures spécifiques ciblées », soulignent les ministres des Affaires étrangères. Selon eux, ces sanctions pourraient aller jusqu'au réexamen des accords commerciaux préférentiels conclus avec le pays.
Réduction de l'aide américaine
La Maison-Blanche a également pris ses distances. Évoquant de récents « reculs de la démocratie » dans ce pays d'Asie du Sud-Est qui s'est fortement rapproché de son puissant voisin chinois, les Etats-Unis ont décidé de réexaminer leur aide « afin de s'assurer que les fonds des contribuables américains ne sont pas utilisés pour soutenir des comportements anti-démocratiques ».
Toute la question est de savoir si le Cambodge se dirige ou non vers un régime dictatorial. Le 11 octobre, Hun Sen a qualifié de « fantômes », les Accords de Paris de 1991 qui actaient la fin de la guerre civile cambodgienne et l'organisation des premières élections libres.
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