"Faut-il souffrir comme Jésus sur la croix ?" par Bernard Sesboüé, s.j.

Belle réflexions trouvée sur le site www.croire.com (à utiliser sans modération !)

La croix peut provoquer un réel malaise. Comment comprendre de façon juste la souffrance ? La réponse de Bernard Sesboüé, jésuite et théologien.
La souffrance est toujours un mal qu'il faut combattre
Trop insister sur les souffrances du Christ donne en effet à entendre que tout cela était nécessaire au regard de Dieu pour nous sauver.
Cette souffrance serait comme un prix à payer à la justice divine pour obtenir en échange notre salut. Comment le Christ ne se serait-il pas rebellé devant une telle exigence ? On se trouve dans une sorte de pacte.
Il faut donc dire et redire : la souffrance est toujours un mal qu’il faut combattre. En elle-même elle n’a aucune valeur.
Ce n’est pas la quantité des souffrances subies par le Christ qui nous sauve : ce serait à la fois du sadisme et du masochisme.
Ce qui nous sauve, c’est la force d’un amour qui est allé affronter la violence des hommes jusqu’à subir la mort, pour vaincre cette violence même. Ces souffrances ne sont pas le fait d’une exigence de Dieu : il s’agirait alors d’un Dieu vengeur et malfaisant.
Ces souffrances sont la conséquence de la violence humaine, celle dont tous les siècles de notre histoire ont fait l’expérience, celle que le XX° siècle a tristement illustrée par deux guerres mondiales, la Shoah, et les camps de concentration nazis et soviétiques, celle dont nous faisons la malheureuse expérience tous les jours en ce début de XXI° siècle.
Nous devons aussi reconnaître la complicité secrète qui sommeille en nous, avec la violence. Nous devons reconnaître la solidarité qui nous est commune à tous avec le péché du monde, un péché paradoxal parce que nous en sommes tous victimes avant d’en devenir à notre tour complices et acteurs.
Car le drame de la passion comporte trois grands acteurs : le Fils qui donne sa vie, le Père qui nous envoie son Fils pour qu’il vive avec nous et qui, par voie de conséquence, l’abandonne à notre violence, et enfin les hommes pécheurs et violents qui refusent d’entrer spontanément dans la voie de la justice. Le Père est du côté du Fils et, comme n’importe quel père, il souffre à sa manière des souffrances de son Fils. Il n’y a en tout cela que la gratuité de l’amour. Aucun calcul, si ce n’est la volonté que la violence cède devant l’amour. Devant la personne de Jésus, le juste, le saint, celui que l’on ne peut convaincre de péché, la violence de l’humanité s’est comme concentrée. La passion récapitule le drame de toute l’humanité. Ceux qui ont voulu ou permis sa mort, ce sont les juifs d’une part, les païens d’autre part, et aussi ses disciples, dont l’un a trahi, un autre l’a renié et la plupart se sont enfuis.
Cela veut dire symboliquement que tous les groupes humains en sont responsables. Il est mort par nous et mourant par nous il a voulu mourir pour nous. Voilà la mystérieuse alchimie de la passion : dans un déchaînement de violence, la victime vaincue est devenue le grand vainqueur.
L’amour est plus fort que la mort. C’est ce que signifie sa résurrection. Et le sacrifice dans tout cela ? Le sacrifice n’est rien d’autre que le don de soi, c’est-à-dire la préférence donnée à Dieu et aux autres sur l’amour de soi. Jésus a aimé son Père à en mourir ; il nous a aimés à en mourir.
Mais l’amour est fécond, c’est lui qui donne la vie.
Bernard Sesboüé s.j.

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