Olivier Schmitthaeusler, un évêque à l'esprit libre

Je vous livre ci-dessous la traduction d'un article publié sur le site internet de l'Eglise Catholique au Cambodge, à propos de Mgr Olivier Schmitthaeusler, un ami des Missions Etrangères de Paris, qui sera ordonné évêque demain, 20 mars, à 9h00 à Phnom Penh.
Pour lire l'article dans sa version originale, cliquez ICI.



En 1999, il célébrait la messe à Svay Pak, un village sur la périphérie de la capitale Phnom Penh. Plus tard, il fût l'initiateur d'un programme d'enseignement agricole dans la province de Takeo. Maintenant, le P. Olivier Schmitthaeusler, 39 ans, prêtre alsacien, sera ordonné évêque de Phnom Penh en Mars.

Sur la route, au volant de sa Honda CRV, le P. Olivier freine brusquement pour éviter un chien couché à côté de la route. "Ma voiture a tellement de poussière qu'on ne la voit même pas", sourit-il. Sur le pare-brise, la voiture a un laissez-passer VIP fourni par la famille de l'un de ses paroissiens.

Chaque semaine, il fait l'aller-retour entre Phnom Penh et Takeo où, en octobre dernier, il a fondé l'Institut Saint-Paul, une école moderne de grande taille qui accueille 120 élèves pour l'apprentissage de l'agriculture et 80 étudiants pour l'étude de l'informatique.

"Le jour où le Premier Ministre a signé le sous-décret reconnaissant l'Institut», dit le P. Olivier, "le Pape Benoît XVI a annoncé ma nomination comme évêque." Cela signifie que, dans les mois à venir, en plus du Voyage entre Phnom Penh et Takeo, il étendra ses voyages à travers le vicariat apostolique qui comprend sept provinces plus la ville de Phnom Penh . Et cela signifie aussi qu'il lui faut abandonner sa petite maison équipée d'un panneau solaire à Takeo, son jardin, et le calme de sa paroisse rurale pour déménager à l'Evêché de Phnom Penh.

À 39 ans, le P. Olivier Schmitthaeusler deviendra, le 20 mars, le troisième plus jeune évêque du monde. Né à Strasbourg, l'aîné d'une famille de quatre enfants, il entra au séminaire où il a obtenu sa maîtrise. À partir de 1991, il a travaillé à Osaka, au Japon, puis en 1998, juste après son ordination, il a été envoyé au Cambodge. Après une année d'étude de la langue, il a été en mesure de célébrer la messe en langue khmère.

Il a travaillé à Svay Pak (ou "Kilomètre 11"), une zone sur la périphérie de Phnom Penh, connue pour ses maisons closes. Quand il est arrivé pour la première fois à l'église, sur sa moto, les filles l'ont pris pour un client. Il célébrait la messe à Svay Pak en utilisant un système de sonorisation qui faisait porter sa voix au-delà des murs de l'église par haut-parleurs. De cette période, le P. Olivier ne dit pas grand-chose, sauf que la communauté catholique là-bas était "très dynamique".

Son attention fût rapidement concentrée sur ce qui est aujourd'hui la paroisse de Chom Kartieng dans la province de Takeo. "Il n'y avait même pas une personne baptisée là-bas. Mais un homme qui avait un cousin dans le séminaire, a un jour vendu une vache pour acheter une moto pour pouvoir faire toute la route jusqu'à Phnom Penh pour étudier le catéchisme. C'était un voyage aller-retour de 6 heures qu'il lui fallait faire."

Aujourd'hui, la communauté catholique de ce village compte 97 personnes. le P. Olivier soutient les conversions là-bas. "C'est une longue route qui conduit à la conversion. Les villageois doivent participer à trois années d'activités dans la paroisse avant le baptême, puis encore pendant deux années après le baptême."

A Chom Kartieng, un bébé nommé Olivier honore la forte personnalité du prêtre responsable du développement rapide de la communauté. Une jeune chrétienne accueille le P. Olivier avec son bébé dans ses bras. Elle l'a nommé Olivier en référence au prêtre.

Prosélytisme ? Le prêtre n'aime pas le mot. «Il a une connotation négative .... Mais je n'ai pas honte d'annoncer l'évangile. Dans l'école, nous offrons des repas aux élèves et il y a une prière avant les repas. Ils prient pour ce qu'ils veulent .... À l'école, une chapelle a été construite qui est importante sans être dominante. A Noël, nous expliquons le sens de la fête que nous organisons. Une proposition est faite, mais les gens sont libres d'y répondre."

Le vendredi, quand il célèbre la messe avec un groupe d'une trentaine d'étudiants, le P. Olivier demande, tout en préparant les offrandes, combien d'élèves veulent recevoir la communion. Seules une vingtaine d'entre eux lèvent la main. "Ceux qui ne sont pas catholiques, ils viennent juste pour voir", dit-il. Tout en évitant le prosélytisme direct, il veut laisser ouverte la porte ouvert aux conversions sincères.

Ce programme scolaire, qui peut accueillir jusqu'à 6000 étudiants, est destiné à diversifier les possibilités de formation. L'Ecole Royale d'Agriculture a déjà accordé des diplômes aux étudiants du programme scolaire de Saint-Paul. La bibliothèque de l'Institut est parmi les six plus grandes dans le pays, et les étudiants peuvent appliquer leurs connaissances dans 70 hectares de champs, près de Kep, où ils cultivent le riz, les arbres fruitiers, et les patates douces. Ces initiatives d'envergure ont été financés avec l'aide d'un donateur de Singapour, rencontré au cours d'une tournée pour lever des fonds.

Sur l'escalier de l'école se trouve une plaque énumérant les valeurs de l'Institut: responsabilité, humanité, solidarité. Dans le bureau du proviseur, un portrait du roi Norodom Sihamoni est accroché à côté d'un grand tableau de saint François. Dehors, les élèves jouent au football, chacun portant un maillot de l'équipe de France. À l'arrière du terrain se trouve un grand stupa jaune et rouge, surmonté d'une croix. "Voici où je serai enterré," dit le P. Olivier. Pour le moment, il contient les cendres d'une seule personne, le premier chrétien de la paroisse qui est mort.

Le P. Olivier affirme que les relations avec les Bouddhistes sont bonnes. "Nous faisons des visites régulières pour leurs cérémonies... Nous avons de nombreux contacts avec les moines." Le dialogue entre les deux religions, cependant, reste un "dialogue de vie", informel, et touchant rarement les questions de foi. "À Noël, nous sommes allés avec les Bouddhistes à la prison de Kampot pour visiter les prisonniers," dit-il. "Cela a permis de faire naître une réponse religieuse locale conjointe."

Comme évêque, le P. Olivier veut travailler à renforcer le dialogue interreligieux. «Les non-chrétiens d'ici font rarement la distinction entre les catholiques et les autres", a-t-il remarqué. Et ce qu'il appelle la "religion de Jésus" est en général perçue négativement. Elle est souvent considérée comme la religion des étrangers ou comme une croyance qui ne respecte pas les ancêtres. "Une autre perception attachée au catholicisme, c'est qu'elle est la religion du Vietnam. Pour éviter la stigmatisation, les Vietnamiens catholiques sont invités par l'Église à apprendre le Khmer et à s'intégrer dans la société du Cambodge. Lors du rassemblement annuel de l'Epiphanie des dirigeants de l'Eglise, le futur évêque a exprimé l'espoir que l'Église "continue à être un signe de communion, notamment entre les communautés cambodgiennes et vietnamiennes. Dans l'histoire du Cambodge, les chrétiens ont souvent été pris pour cible parce qu'ils représentaient la population vietnamienne «ennemie»".

Les persécutions contre les chrétiens sous le régime du Kampuchea démocratique (les "Khmers Rouges", ndt), restent un sujet de débat. "Les chrétiens ont souffert comme chrétiens souffert sous les Khmers rouges, et également pendant la période de l'occupation vietnamienne", dit le P. Olivier. "Mais dans le processus actuel, c'est une question très politique." Le futur évêque a également l'intention d'organiser un séminaire sur la mémoire historique. Il dit : "Si nous ne préservons pas cela maintenant, dans trente ans, il ne restera plus rien."

Entre mars et août, le P. Olivier sera évêque coadjuteur de Mgr Emile Destombes. En août, Mgr Emile atteindra l'âge de 75 ans, l'âge officiel de la retraite.

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