Un éditorial de "La Vie"


Bonjour,

Je viens de découvrir cet édito de Jean-Pierre Denis, de l'hebdomadaire "La Vie", dont je vous conseille la lecture.

IVG toujours plus ?

Roselyne Bachelot est contente. Elle l’a fait ! La ministre de la Santé a décidé d’augmenter de 50 % environ la rémunération des IVG. "Un effort considérable", a-t-elle souligné dans un grand discours prononcé lundi. De fait. On ne trouvera guère d’activités, en ces temps de disette budgétaire, qui soient à ce point revalorisées. Y compris d’actes médicaux. Il est vrai que certains jugent l’avortement trop peu "lucratif" – voilà le terme que je trouve le plus souvent utilisé dans la presse, à ma constante stupéfaction –, ce qui découragerait des médecins de le pratiquer. 

Un récent rapport de l’Igas, l’Inspection générale des affaires sociales, confirme pourtant ce que l’on sait depuis longtemps : le nombre d’interruptions de grossesse ne diminue pas en France. Au contraire, il est stable, autour de 200 000, pour 800 000 naissances. L’argument consistant à dire qu’il devient difficile d’avorter est donc tout simplement faux.


La ministre connaît et admet ce chiffre. Et elle promet désormais que "d’importants progrès peuvent encore être accomplis". Que faire de plus ? a-t-on ingénument envie de lui demander : 250 000 ? 300 000 ? On a pourtant déjà glissé de l’avortement comme ultime recours (le moindre mal de la loi Veil) à son utilisation comme moyen de contraception. On est passé du délai de 10 semaines à 12. On a évolué de la prise en compte de la détresse de certaines femmes ou de certains couples vers un eugénisme qui élimine la quasi-totalité des trisomiques.


Pourquoi "l’effort considérable" qu’annonce la ministre ne porte-t-il pas plutôt sur la prévention, comme on devrait le faire dans tous les domaines de la santé publique ? Je m’étonne qu’aucune proposition ne soit esquissée pour informer et aider les nombreuses femmes dont la grossesse n’est pas désirée, mais qui ne souhaitent pas nécessairement avorter. D’autres études, pourtant, montrent bien la véritable nature du problème. On pourrait citer le rapport 2009 du Secours catholique, consacré à la "pauvreté au féminin". Ce document, qui souligne la fragilisation croissante des mères célibataires, n’a guère eu d’écho. Aucun lobby, hélas, ne s’en est emparé. 


On pourrait évoquer aussi le récent bilan de la Halde, qui pointe les pressions et les injustices au travail que subissent des femmes enceintes. La réponse ne passe donc pas forcément par une surenchère éliminatoire. Ne relève-t-elle pas davantage de mesures d’accompagnement social qui permettraient, pour le coup, de promouvoir vraiment la fameuse "liberté de choix" ?


Les Françaises ne demandent pas autre chose. D’après un sondage Ifop/Alliance pour les droits de la vie, 85 % des femmes voient l’IVG comme "un droit". Cela prouve assez que le discours affirmant que "l’avortement est menacé" relève du pur fantasme politique, ou peut-être de la manipulation. Mais, malgré le déni officiel, les Françaises ne sont pas dupes. 61 % d’entre elles estiment qu’il y a trop d’avortements. 83 % reconnaissent les "conséquences psychologiques difficiles à vivre de l’IVG". 


Elles sont aussi nombreuses à vouloir que "le détail des aides aux femmes enceintes et aux jeunes mères" figure dans le livret d’information remis à la consultation pré-IVG. Ce n’est plus le cas. Pourquoi ? Il n’y a rien, dans le discours de la ministre, pour répondre à ces légitimes préoccupations. Pas une phrase. Pas une allusion. Pas un mot. Tout d’un coup, le grand silence.

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